Marianne Villière
Née en 1989 à Nancy, France.
Vit et travaille actuellement en France.
Après un Master à l’ENSAD de Nancy, elle est diplômée du Master CCC – théorie critique à la HEAD de Genève ; obtient le prix Gianni Motti (2014) et le prix Edward Steichen (2024). Dans l’espace commun, sa démarche cherche des points de bascule de manière à : inverser des rapports de forces – rendre perceptibles les marges / la biodiversité. Cela l’engage dans des compositions de situations contextuelles et éphémères. Discrètes mais complices, ses interventions proposent une lecture à double tranchant. Au premier abord, le geste semble drôle, léger voire superficiel, pour ensuite nous faire face.
Portfolio_Villiere.2024
crédit photo : Deana Kolencikova
Formation
2014 – Master de recherche Théorie critique CCC / HEAD Genève
– avec félicitations
Prix Gianni Motti
2012 – Master2 DNSEP / ENSA Nancy
– avec félicitations
Expositions personnelles
2023 – Versus, Association Plus Vite Grand Est, Fr
– Des Nuées, PNR Haut Languedoc, Fr
2022 – Volte-Face / Rig’LAB, Migennes, Fr
– Des Nuées, Ghost House, Delme ; L’Octroi, Nancy, Fr
2021– Pollinisation / Jura Platz, Bienne, Ch
2020 – MIRAGE MIRAGE / Centre d’art Dominique Lang, Dudelange, Lu
2018 – Diffractions / Château Éphémère, Carrières Sous Poissy, Fr
Performances (sélection)
2023 – Manifestation de bonnes volontés, Emmaüs Scherwiller, Fr
2022 – La fête est finie / Mascarades et Libertés, Montrelais, Fr
2021 – Administrophone / Festival de la cité, Lausanne, Ch
DJ Gentille Alouette / C(re)Party, CRAC Montbéliard, Fr
– Maïeutique urbaine / Syndicat Potentiel, Strasbourg, Fr
– Semeur time / Maison Vide, Crugny, Fr
– Face to our Liberty, Paris – New York, USA / Art in odd places
– Planet B / Utopiana, Genève, Ch
2020 – Plan B, hissage / le MÂT, Neuchâtel, Ch
– Volubilis, masque et germe ; «je ne t’oublierai jamais» (cimetière) / Maison vide, Crugny, Fr
– Morphée, masque de nuit, Crépey, Fr ; Valse tueuse – Plastic roses are speaking during the silent spring (interprète : Catherine Elsen) ; La fête est finie ; Rester de marbre / Centre d’art Dominique Lang, Dudelange, Lu
– Lichens ; The spectator is present / Nancy, Strasbourg, Arles – Fr
– Infinity Party : Micro-Carnival /IKSV, Istanbul, Turquie
– Security check of a bouquet /Sakip Sabanci Museum, Istanbul Turquie
2019 – «votre publicité me contacter» / Beauvais, France – Barcelone, Espagne / Istanbul, Turquie
– Statue, Parc des buttes Chaumont, Paris
– Weaving a road Home / the Cube space, Taipei, Taïwan
– Alouette, gentille alouette, territoire#4 / OpenSpace, Nancy, Fr
– Girls having fun – avec Deana Kolencikova / Taipei, Taïwan
2018 – Manifestation d’indifférence “Espace(s) et conflit(s)” /Telem, Université Bordeaux Montaigne, Bordeaux, Fr
– Bon matin / Galerie du Granit, Belfort, Fr
– Administrophone, Marseille, Fr
2017 – Nuit des musées _Museums connect! Casino Forum d’art contemporain, Luxembourg, Lu
Bourses obtenues :
Aide à la création Région Grand Est, 2022.
Aide à la création Région Grand Est, 2020.
Fondation du Luxembourg, 2020.
Maison de la création, 2016.
Des regards sur ma pratique…
« On peut citer les performances de Marianne Villière qui, telles les « expériences disruptives » de Garfinkel [2007, p.97-147 ; Pecqueux, 2012c], interrogent frontalement nos routines. Peut-on ne pas être saisi (ne pas réaliser une torsion sensorielle) en la voyant réaliser avec des complices une « file s’attente sans sens », face à un mur (Nancy, 2010 ; Besançon, 2011), ou quand elle diffuse des « rires de sitcom » dans le métro parisien (2011) ou dans une galerie d’art (2012) ? On comprend alors qu’une écologie de l’attention implique son économie, et inversement : ce sont bien les deux faces d’une même pièce qu’il faut prendre résolument à bras le corps. »
Anthony Pecqueux, « Tordre l’attention. Ajustements perceptifs en situation.Partie : L’économie éthique et esthétique de l’attention », L’économie de l’attention – Nouvel horizon du capitalisme ? Sous la direction d’Yves Citton, édition La Découverte, Paris, 2014. p.228
« Marianne Villière engage une réflexion très articulée sur la place de l’artiste dans la société, l’espace public, les processus de légitimation qui valident ou discréditent des pratiques relativement à différents systèmes de valeurs. Dans le prolongement des pratiques d’Andrea Fraser – mais en prenant le risque de sortir du champs de l’art – ou, peut-être plus proche d’elle, de Ben Kinmont, Marianne Villière engage un questionnement subtile sur l’instabilité et le caractère arbitraire des systèmes de valeurs de l’art et des systèmes culturels.»
Sébastien Pluot, Professeur d’histoire et théorie des arts ESBA TALM site d’Angers, Directeur de recherche Co-fondateur et directeur de Art by Translation Commissaire indépendant
« Et s’il advient un jour prochain qu’il n’y a plus lieu de « faire exposition », forme-mirage de nos expériences esthétiques et culturelles, lorsque les systèmes de l’art eux-mêmes seront venus à ressentir une forme d’épuisement causée par la dynamique d’une production perpétuelle d’artefacts qui peine à épouser le monde, alors l’on pourra admettre que Marianne Villière aura anticipé cet écueil d’un art pour l’art, en ayant participé d’un mouvement qui cherche à rendre compatible des conditions de perception artistique avec des zones extra-artistiques, toujours sur la brèche, jamais acquis au grandiloquent, bien plus proche de la frugalité du monde, d’un monde qui se pratique en faisant art comme l’on se doit, avant tout, de faire humanité. »
Mickaël Roy, Critique d’art indépendant
So long Marianne
« So long Marianne, it’s time that we began
to laugh and cry and cry and laugh about it all again »
Leonard Cohen, 1967
Ai-je vraiment besoin, ou plutôt envie de traduire le refrain qui me sert d’incipit ? Il est du poète Leonard Cohen, ainsi que mon titre, que j’ai du mal à traduire également… Au revoir ? A bientôt ?
Soit un salut incertain, le temps d’un pendant.
C’est ainsi avec Marianne Villière, une présence que n’interrompt pas la vie et ses absences. Et puis absence ici ne veut en rien dire que la vie ne s’en continue pas ailleurs.
La première fois que j’ai rencontré Marianne, Biennale de Marrakech 2016 dont on ne savait pas qu’elle serait la post-pénultième, la fête battait son plein.
Oui : autour de moi : la fête « assourdissante hurlait. »
La catharsis, l’exorcisme de soi, et tant mieux si elle se finit mal…
J’étais en sursis, et elle aussi mais le savoir n’empêchait aucune fatalité, oui je veux dire ce truc qu’on appelle la vie et qui poursuit son cours avec ou sans nous, alors autant se laisser faire, n’est-ce pas ?
Elle s’est présenté : appelle moi, bâtard !
On a ri. Clown triste, cela a fait un flop.
Car du rire aux larmes, il n’y a pas loin, et alors, il est peut-être là le sens possible de la fête.
Était-ce déjà la fête de trop ?
Est-ce toujours la fête de trop ?
En latin, elle est d’injonction divine, étymologiquement, soit beaucoup trop d’oxymorons dans une seule définition pour être à la fête…
Et ce soir-là, à Marrakech quel Dieu célébrait-on déjà ? Le grand pape « art contemporain », ou déjà son supérieur hiérarchique : le fric, ou encore la fame : les paillettes…
A-t-On perdu le sens de la fête ? Intrinsèquement liée à la notion de jeu, mot à l’étymologie inconnue et qui n’obéit par conséquent à aucune injonction…
C’était pas mieux avant, ça ne le sera pas après. Mais le temps d’un pendant, il se passe quelques chose, des choses…
Ça s’appelle la vie, ça s’appelle l’art… Et comment en jouer.
Et on la joue tout le temps, comme une roulette russe, mais pour rire, comme avec les armes factices de l’exposition : drone, ou autres balles de tir irréelles…
(Court-circuit)
Comment déjouer les règles.
Pour s’amuser : « qu’attendons-nous ? »
« Qu’attendons-nous (…)
pour jouer aux fous
pisser un coup
tout à l’envi
contre la vie
stupide et bête
qui nous est faite… »
Cette parenthèse élusive au milieu du poème de Gontran Damas est pour : les Gueux, les peu, les rien, liste non exhaustive…
Elle comprend une grande partie de nos humanités déshumanisées mais la poésie le dit mieux que d’autres.
Pourtant beaucoup ont essayés de dénoncer, de critiquer, ce qui ne changera jamais, cette Société des Spectacles dont se riaient, avec gravité, les situationnistes . Et l’œuvre de Marianne Villière, tient clairement de cet héritage. Il est évidemment particulièrement patent dans son œil-de-bœuf aux narcisses qui porte un titre palindromique « debordiste », mais au-delà, il traverse l’intégralité de sa proposition pour la galerie municipale Dominique Lang.
Pêle-mêle, nous pouvons citer : la remise au centre de l’œuvre du Spectateur (Cf. Les Casquettes « The spectator is Present), l’importance d’une forme d’anonymat (Cf. Le journal Les Essentiels qui ne comporte aucune mention de ses auteurs et qui a vocation à être distribué gratuitement au plus grand nombre), Le détournement (Cf. la quasi intégralité de la proposition curatoriale de l’artiste), ou encore la création de « Situations », souvent performatives dans le cas de Marianne Villière, etc.
Seulement, voilà, le situationnisme a fait son temps, il s’est auto-dissous, après un schisme avec ses artistes, et n’accepte plus d’être évoqué que pour être critiqué. Dépassé.
Alors, de la poésie.
De Gontran Damas, et de tous les autres.
Cela ne réconcilie rien, mais cela sait dépasser, déborder des cadres. Comme la vie.
En somme : « L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art… »
Le doux-amer, le sucré-salé, l’aigre-doux de ces rires aux larmes qui font jaillir de la vérité, pas forcément malgré nous…
Tiens ? aurais-je fini par traduire le refrain de Léonard Cohen sans y prêter attention ?
Et puis on passe du rire aux larmes (encore)
Car finalement, tout ça c’est pas si grave…
A bientôt
Syham Weignant, Critique d’art indépendante
« Penser le temps présent »
On peut se réfugier dans une tente et s’y replier. Oublier ce monde qui nous tente. Voici deux mots, qui s’écrivent de la même manière, comme Mirage Mirage, le titre de l’exposition de Marianne Villière.
L’espace de secours, ultime et solitaire (on ne pense pas qu’on puisse s’y glisser à deux), se trouve au premier étage de la Galerie Dominique Lang. L’Abri de survie, créé en 2012, l’année de son diplôme à l’ENSA de Nancy, est en matière isolante réfléchissante. En montant l’escalier, on ne pourra pas échapper à un autre objet brillant (daté de 2018). Une boule à facettes comme on en trouve au-dessus des parterres de danse. Cette pièce s’appelle Disco-Drone.
La jeune artiste, née en 1989 à Nancy, ne nous propose pas, malgré les apparences, de voir un travail littéral, contredisant le réalisme de ses installations comme le salon Sitcom Laugh. Plutôt que de regarder l’écran, elle nous invite à mieux regarder tout court. La boule à facette est tenue en l’air par un drone, comme si le symbole festif allait nous tomber dessus telle une arme. De la taille d’un jouet, il est furtif comme l’avion de chasse dénommé « Mirage », si rapide que le temps de l’apercevoir dans le ciel, de s’émerveiller de son passage, il a déjà disparu.
Marianne Villière retourne ainsi l’esthétique de ses installations. Dès l’entrée, une coquille amène à penser à un bénitier, dans lequel on trempe ses doigts pour se purifier. Son Bénitier est rempli non pas d’eau transparente, mais de billes de plastique jaunes. Une couleur d’alerte, puisque ce n’est pas la mer que l’on entend dans le coquillage posé à côté, mais le bruit des billes de plastique remuées, comme si on touillait dans l’océan asphyxiant de plastiques.
Mirage Mirage, est toute de cette veine. Ainsi d’Épouvantails vêtus de t-shirts sérigraphiés d’oiseaux en voie de disparition. On se surprend à murmurer la comptine Alouette, gentille alouette comme dans l’œuvre qui suit, une vidéo tournée en 2019 : une fanfare attire dans un quartier lambda mais, en guise d’aubade, Marianne Villière leurre le public accouru. Cet attroupement filmé deviendra-t-il le souvenir même du petit volatile en voie de disparition ?
En exposant à la galerie Dominique Lang et en faisant travailler cette jeune artiste in situ, Marlène Kreins a choisi une représentante de la jeune génération d’artistes pour laquelle l’art est un lanceur d’alerte plus qu’une fin en soi. C’est ainsi que l’on pourra repartir avec un exemplaire des Essentiels, conçu sur le modèle du journal gratuit que l’on lit le matin en prenant le train. Il a dû en surprendre plus d’un la veille du vernissage, glissé dans le distributeur de la gare Dudelange-Ville. Les articles disent les attentes de pigistes d’un jour que Marianne Villière a sollicités. C’est une invitation sur un autre Chemin du désir, comme cette nouvelle ligne de pierres phosphorescentes qui croise les rails devant la gare, la nuit. // d’Lëtzebuerger Land vom 18.09.2020.
contact : mail@mariannevilliere.net